Destinée page 15
Il y avait aussi deux filles d’origine marocaines portant le même prénom. L’une portait le voile, elle était marié à un turc et expliquait en quoi un mariage turco-marocain était clairement un mariage mixte entre deux cultures différentes. L’autre était sans voile et divorcée, elle élevait seule ses deux enfants dont l’un était autiste.
Une autre marocaine, musulmane des pieds à la tête, avait les nerfs à vif et partait en vrille en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire.
Deux filles venaient tout droit du centre de l’Afrique, l’une d’entre elles avait travaillé dans son pays dans le domaine des assurances, l’autre avait fait de longues études universitaires. Elles étaient venues en Europe, étaient reparties de zéro avaient du affronter la fraîcheur du climat et de l’accueil de certains de nos concitoyens mais quand elles parvenaient à travailler, elles pouvaient à elles seules nourrir plusieurs villages africains.
Enfin il y avait un homme noir à la barbe blanche qui avait dérivé entre plusieurs vies, plusieurs pays, plusieurs femmes au cours de son existence et qui observait sagement les choses.
Depuis quelques temps, j’observais avec consternation l’état de la société qui fonçait à vive allure contre un mur alors que la plupart des gens vivaient centrés sur leur nombril. Après un long moment d’observation c’est cette année là que je rejoignis les rangs de ceux qui pensaient à un avenir différent, les rangs de l’écologie politique.
Après la formation, j’ai effectué un stage dans le service scan de l’administration gérant l’emploi ou plutôt le chômage qui dévastait le pays. Les gens qui travaillaient là donnaient l’impression de n’avoir qu’un demi-cerveau. Ils étaient centrés sur leur petite vie et sur le cul.
Ils faisaient penser plus à des ectoplasmes mous qu’à des êtres humains doués de pensées.
Un jour les candidatures que j’envoyais par paquets m’amenèrent dans un syndicat rouge. Ce que ma très bourgeoise famille considérait comme un ennemi de classe. La première fois ont me fis faire quelques tests informatique, parmi une foule d’autres candidats. Puis quelques temps après, je fus convoqué chez le chef du service qui engageait. Il fût ravi par les mots que je prononçais sur l’individualisme rongeant la société et malgré le fait que je dis que je n’avais jamais été membre d’aucun syndicat, je reçus un coup de téléphone quelques temps après m’annonçant que j’étais engagé. Et c’est comme un souffle chaud qui réchauffait un cœur glacé. Le fait de pouvoir rentrer dans une case, de pouvoir répondre quelque chose à la sempiternelle question de ce que je fais dans la vie me plongeait dans une allégresse étrange pour un contrat de remplacement de six mois.
Au cours de ces six mois, j’ai participé à plusieurs manifestations, dont une le deuxième jour de travail. Vêtus de rouge, armés de banderoles, nous défilions gaiement pour que les ouvriers ici ou là aient un travail décent. Ces ouvriers que ma famille considérait comme des simples outils et que je me mettais à défendre. L’une des dernières manifestations, nous étions déguisés en vieillard, un de nous portait un masque à l’effigie du ministre des pensions et faisait semblant de nous fouetter.